Conférence sur le droit d’auteur à Namur: une belle pièce

30 avril 2024 par - Vue(s) d'Europe

Au théâtre classique, l’action se déroule en vingt-quatre heures, en un seul lieu et se compose d’une seule intrigue. C’est dans ce cadre empreint d’unité que la conférence de la Présidence Belge du Conseil de l’UE s’est déroulée, réunissant du 8 au 9 avril au Palais de la Bourse à Namur, les acteurs clé de la culture et des industries créatives, pour un sujet crucial qui doit être soutenu et renforcé : le droit d’auteur.

Malgré une intrigue familière, d’un côté les ayants droits, de l’autre les représentants de l’industrie, la Présidence belge, dont l’initiative doit être saluée, a mis sur les planches la star montante de la scène technologique et culturelle depuis quelques mois, l’intelligence artificielle générative.

Les représentants des ayants droits ont défendu à raison les droits des auteurs artistes et créateurs. Ils ont souligné l’urgence de garantir une rémunération juste et proportionnelle face au pillage croissant des œuvres et à la prolifération de contenus artificiels en ligne. Face à eux, les adeptes d’un marché libre où réglementation rime avec distorsion qui ont plébiscité l’harmonisation des pratiques basé sur l’existant, à savoir la possibilité pour un auteur d’exercer son droit de retrait (opt-out) s’il ne souhaite pas que son œuvre soit utilisée pour entraîner les IA.

Entre les deux, la Commission européenne a soufflé le chaud et le froid. Les propos introductifs du Directeur Général de la DG Connect, Roberto Viola, « ne pas rémunérer les auteurs est un crime contre l’humanité », ont rappelé l’importance cruciale du droit d’auteur pour la diversité culturelle de l’UE. Néanmoins, les interventions suivantes ont fait fi du pillage actuel des œuvres utilisées pour l’entraînement des IA au profit d’un droit de retrait qui faisait figure de solution miracle. Or, l’exception pour fouille de données prévue à l’article 4 de la directive droit d’auteur n’a jamais été pensé pour s’appliquer aux IA génératives. Au-delà, l’opt-out qui fait peser la charge sur les auteurs, les artistes et les créateurs, est dans les faits largement impraticable.

Au final, il est regrettable que les solutions « innovantes » évoquées lors de la conférence aient semblé détourner l’attention du seul rempart efficace pour protéger les œuvres : le droit d’auteur. De même, la logique d’harmonisation a suscité des inquiétudes : une telle approche serait difficile à mettre en œuvre compte tenu des spécificités nationales, sauf à vouloir compromettre les avancées réalisées dans certains États membres pour niveler par le bas les cadres les plus protecteurs des auteurs. Il serait plus utile de s’inspirer des législations nationales les plus positives pour les auteurs, comme en France, qu’ils s’agissent de la protection du droit à rémunération proportionnelle, de l’obligation de négociation professionnelles entourant les pratiques contractuelles ou celles visant à assurer le respect du droit d’auteur par les producteurs quand ils veulent mobiliser le soutien du CNC ou par les diffuseurs quand ils déclarent auprès de l’ARCOM les œuvres qu’ils ont financé au titre de leurs obligations d’investissement dans la création.

Si dans le Palais de la Bourse, le rideau est tombé sans dénouement, la conférence a permis de faire résonner l’urgence de défendre le droit d’auteur et la juste rémunération des créateurs, dans un monde numérique en constante mutation. Ce n’était pas là le moindre de ses mérites. L’acte II suivra désormais après les élections européennes.

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