La diversité linguistique : une valeur européenne, un impératif

11 mars 2014 par - Vue(s) d'Europe

La consultation relative à une révision des règles en matière de droit d’auteur s’est terminée la semaine dernière, probablement au grand soulagement de la Commission européenne, qui a dû faire face à de nombreuses critiques et contestations durant ces trois derniers mois. Si les questions de contenu mériteraient à elles seules un article, la décision de publier le document de consultation en anglais, et en anglais seulement, en a aussi interpellé plus d’un. A juste titre, car elle soulève des interrogations plus générales sur l’avenir de l’Union européenne.

Lors de la session plénière du Parlement européen début février, Michel Barnier a regretté que ses services n’aient pas publié le texte de consultation en différentes langues, plaidant un calendrier trop serré et l’urgence de sortir rapidement la consultation. Les vives réactions que cette décision a entrainées ont justifié la prolongation du délai de réponse (du 5 février au 5 mars), afin de donner le temps à la société civile de comprendre un document de consultation et des questions dont elle ne maîtrise pas la langue (les réponses pouvant par contre être envoyées dans la langue de son choix).

Si ce cas relevait de l’exception, peut-être ne serait-il pas utile de s’indigner (quoique !). Mais la pratique est de plus en plus courante et les exemples nombreux. Des journalistes comme Jean Quatremer (correspondant pour Libération) ont déjà par le passé souligné ce problème récurrent.

Sans aucun doute, la langue de fonctionnement de la Commission européenne en interne est déjà majoritairement l’anglais. Le plus préoccupant est désormais que sa communication externe prend malheureusement le même chemin. Certes, la plupart de ces textes qui ne sortent qu’en anglais finissent par être traduits à un moment ou à un autre dans les autres langues. Mais peut-on réellement justifier ce décalage dans le temps, surtout pour des décisions cruciales de la Commission européenne sur le budget des Etats-membres et les procédures de sanction? L’exemple n’est pas choisi au hasard, et il devrait susciter tout autant – voire davantage – de réactions. La consultation sur le droit d’auteur est aussi la preuve que parfois les traductions n’arrivent jamais.

Ce n’est pourtant pas à la société civile de s’adapter !

Rappelons que l’Union européenne a consacré dans ses traités 24 langues officielles et qu’elle reconnait trois langues comme langues officielles de travail (l’anglais, le français et l’allemand).

Il ne s’agit donc pas de jouer aux français chauvins et de refuser catégoriquement de s’adapter. Mais foulant là aux pieds le droit d’information élémentaire des citoyens, le principe d’égalité et surtout la diversité linguistique et culturelle, des valeurs européennes pourtant reconnues et portées haut dans la Charte européenne des droits fondamentaux, ces pratiques récurrentes reviennent à remettre en cause les fondements même de l’Union. Les institutions européennes s’étonnent parfois du désintérêt des citoyens pour l’UE : peut-être devraient-elles d’abord se poser des questions élémentaires sur leur communication externe (que ce soit sur la lourdeur et le jargon incompréhensible souvent utilisé, mais aussi la – et pas les – langue choisie), élément pourtant clé d’une démocratisation de l’UE.

Surtout, on est en droit de se poser cette question : pourquoi la Commission européenne décide-t-elle petit à petit de faire de l’anglais l’esperanto d’une Union à 28? Certes, les arguments sont nombreux : calendriers serrés, nombre de plus en plus important de textes européens et d’initiatives, coût de l’interprétation toujours plus lourd, effectifs au fur et à mesure limités… Mais il est primordial que l’Union européenne choisisse ses priorités, défende une diversité qui est en fait une richesse et se donne les moyens de ses objectifs. Sinon, elle se mettra à dos une partie de la société civile et des citoyens européens, pour ne plus s’adresser qu’aux experts de la sphère bruxelloise.

L’Europe ne doit pas oublier que c’est en défendant sa diversité qu’elle sera forte !

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Commentaires (1)

 

  1. Pr S. Feye dit :

    Absolument ABSURDE! Le Latin, qui représente 85% de la littérature de l’Europe, et qui est, actuellement, de plus en plus parlé entre les érudits, ne figure même pas parmi les langues de l’UE !!!
    On ne pourrait pas imaginer une meilleure preuve de l’inanité de cette UE que les citoyens instruits feront sans les Politiciens dont l’histoire s’empressera de faire oublier les noms!
    Quomodo viri eruditi hoc tolerare possint!

    Pr Stéphane Feye
    Schola Nova (non soumise au décret inscriptions) – Humanités Gréco-Latines et Artistiques
    http://www.scholanova.be
    http://www.concertschola.be
    http://www.liberte-scolaire.com/…/schola-nova
    http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702303755504579207862529717146
    http://www.rtbf.be/video/detail_jt-13h?id=1889832

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