Plan de relance européen : où est la culture ?

27 mai 2020 par - Vue(s) d'Europe

Il ne s’est donc rien passé. Depuis mars, le secteur créatif et culturel n’a pas été durement frappé par la crise du Covid-19, les théâtres n’ont pas été stoppés et interdits de jouer dans beaucoup d’Etats européens, la vie culturelle n’a pas été mise à l’arrêt, les cinémas n’ont pas dû fermer leurs portes ni les tournages s’interrompre brutalement, les auteurs continuent à travailler normalement et à être rémunérés pour ce faire, et la saison des festivals s’annonce exaltante.

Il ne s’est donc rien passé dans le monde de la culture, à en croire le plan de relance européen, dévoilé cet après-midi par la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, qui est sur ce sujet du soutien à la culture d’une pudeur intrigante : le mot culture apparait 1 seule fois dans les 18 pages de présentation du plan.

Quand la discrétion et le silence laissent la place aux chiffres, le résultat n’est guère plus engageant et rassurant. Ainsi, le budget du programme Europe Creative, véritable figure de proue de la politique culturelle européenne, s’affiche avec un montant de 1,52 milliard d’€ pour la période 2021-2027, soit une….baisse de 7% par rapport à une précédente proposition de la Commission qui datait de mai 2018. On est loin du doublement du budget qu’avait défendu la président de la Commission Culture au Parlement européen, Sabine Verheyen, en souhaitant un budget de 2,8 milliards d’€. On est encore plus loin de l’ensemble des crédits, fonds et outils monétaires mobilisés par l’Europe et la Banque Centrale Européenne qui dépasse les 2000 milliards d’€.

Face au séisme déjà vécu dans cette période difficile par les auteurs, les artistes, les intermittents, les entreprises qui font vivre la culture en Europe et qui en font une territoire de création unique au monde, face à la cascade annoncée de créations avortées, de chômage pour les uns, de faillites pour les autres, l’Europe court un risque majeur : dévitaliser son tissu culturel, lui faire perdre de sa force et de sa diversité, le mettre à terre sans qu’il puisse se relever et au final, passer par pertes et profit un atout considérable pour l’économie européenne, une richesse collective qui est aussi un élément de puissance et un ensemble de valeurs qui font sens dans une Europe somme toute désunie et guettée par les populismes et les extrémismes.

Il est un fait que l’Europe n’avance jamais autant qu’à la faveur des crises. Elle le prouve en partie avec ce plan présenté aujourd’hui qui fait preuve d’une audace inédite en s’inscrivant dans les pas dessinés par la France et l’Allemagne et se dirigeant vers la création d’une dette commune, levée directement par l’Union européenne sur les marchés.

Malheureusement, elle ne pousse pas l’audace, qui se conjugue pourtant si bien avec la culture, jusqu’à faire sa propre révolution en repoussant les limites de son équation budgétaire pour la création et la culture. Cette période exceptionnelle et dangereuse que nous vivons appelle à sortir des sentiers battus et à inventer de nouvelles politiques en faveur de ce secteur, premier à avoir été touché par la crise avec la fermeture des lieux culturels et les annulations de spectacles et qui sera sans doute l’un des derniers à redémarrer avec les nombreuses contraintes sanitaires qui vont l’entourer.

Si rien ne change d’ici le prochain Conseil européen, ce plan de relance de l’Europe risque bien de favoriser pour la culture une forme de décroissance. Original mais profondément choquant !

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