Exploitation et diffusion des œuvres européennes : la bonne idée de Mariya Gabriel

21 février 2018 par - Vue(s) d'Europe

Mariya Gabriel, la Commissaire européenne en charge de l’audiovisuel et du numérique, a incontestablement marqué de son empreinte cette 68e édition de la Berlinale de Berlin.

Lors de ses rencontres lundi 19 février avec les professionnels du cinéma et notamment les auteurs qui ont publié le matin même une tribune pour soutenir une Europe de la culture , la haute représentante de la Commission a rappelé son engagement et sa motivation principale : faire de la création européenne a l’ère numérique un pilier de la politique européenne.

On ne peut qu’applaudir des deux mains un tel discours, ses accents de sincérité et son volontarisme. Pour mettre en musique cet engagement, la Commissaire a mis sur la table un projet destiné à rendre les œuvres plus facilement accessibles pour le public, notamment sur les plateformes numériques avec la création d’un moteur de recherche des œuvres européennes. Le projet reste évidemment à construire, tant dans son périmètre comme dans ses modalités, mais la main tendue va dans le bon sens. Elle tient compte des opportunités offertes par le numérique pour faciliter l’exploitation des œuvres partout en Europe et doit être saisie par les professionnels pour au moins 3 raisons.

Premièrement, si la lutte contre la piraterie est un combat unanimement partagé par les créateurs, les producteurs, les distributeurs et leurs diffuseurs, elle doit évidemment aussi passer par un développement de l’offre légale et par la mise en place d’une alternative légale crédible et attractive. En améliorant la connaissance de la disponibilité des œuvres en Europe, ce moteur de recherche européen peut être une pièce de ce puzzle visant à simplifier l’accès aux œuvres.

Deuxièmement, définir et conduire une politique publique, dans quelque domaine que ce soit, repose sur un préalable : avoir une vue précise et exacte du paysage. Cet outil de recherche et d’observation répond à cette attente de mieux connaître l’exploitation du patrimoine cinématographique européen en Europe.

Troisièmement, l’outil ne fait pas tout mais il est un point de départ pour responsabiliser les professionnels et les inciter à renforcer leurs pratiques pour mieux et davantage exploiter les œuvres.

L’expérience française parle d’elle-même. Quand le CNC a lancé son moteur de recherche en 2015, il avait vocation à être un outil permettant de mesurer la visibilité et la disponibilité des films. Rapidement, il a surtout montré la trop grande indisponibilité des films et a conduit les parlementaires français à agir et à adopter de nouvelles règles. Dans la loi Création de 2016, l’instauration d’une obligation d’exploitation suivie des œuvres qui impose à celui qui détient les droits de fournir ses meilleurs efforts pour assurer l’exploitation des œuvres est venue consacrer la nécessité de principes vertueux et efficaces. Cette obligation – de moyen et non de résultat – a insufflé un nouvel état d’esprit dans le cinéma. Autrement dit, trouver des préfinancements pour permettre à un film d’exister est essentiel, mais faire tout son possible pour que le film soit ensuite exploité et accessible par le plus grand nombre doit désormais l’être tout autant.

L’Europe devrait s’inspirer de ce cadrage qui donne à l’outil – le moteur de recherche – tout son sens et son efficacité. Etendre au niveau européen cette obligation d’exploitation suivie des œuvres serait le meilleur accompagnement possible pour mettre en ordre de marche tous les professionnels européens. Ce serait aussi le meilleur service à rendre à une Commissaire qui a manifestement envie de faire œuvre utile pour la création européenne.

 

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