Réforme de la Communication cinéma : la fin d’un marathon

22 novembre 2013 par - Vue(s) d'Europe

Ne jamais relâcher son effort, surtout dans la dernière ligne droite ! C’est cette leçon sportive qu’a éprouvée la France, avec le soutien d’autres Etats européens, à l’occasion de la réforme de la Communication Cinéma qui vient d’être finalement adoptée il y a quelques jours par la Commission européenne.

L’enjeu était de taille : derrière une dénomination toute technocratique, la Communication cinéma est véritablement un texte fondateur du droit de la concurrence en matière d’aides à l’audiovisuel et au cinéma. De fait, cette Communication fixe les lignes directrices à travers lesquelles la Commission européenne évalue la compatibilité des aides nationales à la production cinématographique et audiovisuelle avec le Traité européen et les règles du marché intérieur et de la concurrence.

Au final, après de 2 ans de discussions entre les Etats et la Commission européenne, à quel résultat aboutit-on ?

– à une extension du champ d’application de la Communication

Désormais, les principes de la Communication s’étendent aux activités en amont et en aval de la production (écriture, développement, distribution, promotion), apportant donc une sécurité juridique accrue aux systèmes de soutien mis en place sur ces activités. Il inclut également les œuvres transmédia mais n’englobe ni la vidéo à la demande ni les jeux vidéo.

– au maintien dans ses grandes lignes des principes de territorialisation

Les discussions ont été rudes pour maintenir cet acquis et la possibilité, pour les pouvoirs publics, locaux ou nationaux qui dispensent les aides, d’obliger à ce que les dépenses de production puissent être localisées et dépensées sur leur territoire. Il aura fallu le poids politique de la France et de quelques-uns de ses partenaires pour parvenir à un équilibre proche des règles antérieures et éviter que les menaces de la Commission de réviser drastiquement les niveaux de territorialisation ne se concrétisent.

Jusqu’à présent, la Commission admettait la possibilité pour un Etat de prévoir une obligation de territorialisation de l’ordre (au maximum) de 80% du budget de production.

Désormais, la règle sera la suivante : l’obligation de territorialisation sera au minimum de 50 % du budget de production, quel que soit le montant de l’aide ; pour les films dont l’aide représentera plus de 32 % du budget de production, alors l’obligation de territorialisation pourra être comprise entre 50 % et 80 % de ce budget.

– la préservation de l’intensité des aides

Rien de nouveau pour les aides à la production qui ne pourront être supérieures à 50 % du budget de production. Pour les films à l’économie fragile, les Etats pourront néanmoins prévoir des dérogations afin de permettre un financement public plus puissant.

Pour les aides en amont et à l’écriture, aucune limite n’est prévue à l’intensité des aides publiques.

Tout ça pour ça ?

Que reprochait-on à Bruxelles à l’ancienne Communication cinéma, si ce n’est le fait d’arriver à son terme ? Pas grand-chose si l’on en croit une évaluation faite par les services de la Commission qui considérait qu’elle ne pouvait démontrer d’effets négatifs ou pervers du précédent régime d’aides. Pour autant, la tentation de libéraliser et d’appliquer le droit de la concurrence à tous les secteurs est souvent plus forte que le souci de protéger la culture dans toutes ses diversités !

On peut bien sûr se satisfaire du résultat qui s’avère heureusement très éloigné des pires craintes des professionnels du cinéma. Mais, on peut aussi déplorer que deux ans aient ainsi été consacrés à se défendre, à démontrer encore et toujours la légitimité des politiques de soutien au cinéma, à rappeler à l’Europe sa responsabilité à l’égard du soutien à la diversité culturelle et à dépenser une énergie folle pour éviter le pire plutôt que pour poursuivre la modernisation de notre réglementation qu’impose l’économie numérique. Deux ans pendant lesquels des centaines de personnes ont été mobilisées. Même du strict point de vue économique, souvent privilégié par Bruxelles, la démarche ne se justifiait pas. Tout ça pour ça !

Le cinéma a besoin de partenaires à Bruxelles et de responsables politiques qui font de l’ambition culturelle pour l’Europe un axe crédible des engagements européens. C’est à l’évidence ce message que l’on peut espérer de la future Commission qui prendra place d’ici 6 mois. Elle s’honorerait à sortir des sillons libéraux tracés par un Président Barroso qui laissera, de son long mandat de 10 ans, une empreinte bien sombre pour la culture et la création. Elle marquerait là une ère du renouveau qui serait bienvenue !

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