De l’incohérence de la Commission ou quand l’idéologie prédomine

3 décembre 2012 par - Vue(s) d'Europe

C’est souvent l’image du monolithe qui vient quand on pense à la Commission européenne. En réalité, la « pratique » des institutions n’est pas celle-ci : nombre de mésententes et de désaccords existent entre  les différents commissaires (27) et leurs services dont les intérêts sont, comme c’est le cas en France entre les Ministères, différents voire antagonistes.

Les réunions du collège des commissaires devraient permettre d’aplanir ces différences et de trancher. Elles devraient également permettre d’éviter les contradictions entre différentes politiques. Attention : on ne parle pas ici de petites mesures techniques qui entreraient en conflit avec des dispositifs existants parce qu’elles auraient été malencontreusement oubliées par un service. Non ! il s’agit ici de règles qui peuvent remettre totalement en cause les politiques pour lesquelles l’Europe consacre plusieurs millions ou d’objectifs définis par cette dernière comme stratégiques.

Lorsque l’on y regarde de plus près, bien des priorités se retrouvent niées ou contrées, bien des paradoxes se font jour.

Citons par exemple la discrimination fiscale au détriment de la disponibilité des œuvres culturelles sur les réseaux numérique alors même que le numérique est une des priorités de l’Union européenne, figurant en bonne place dans sa stratégie « Europe 2020 ». Ou bien les discussions actuelles sur des règles de protection des investissements qui pourraient ne pas prévoir d’exclusion des services audiovisuels, réduisant ainsi à néant certaines règles fondatrices de la politique européenne dans ce secteur.

Citons aussi certaines dispositions de la proposition de directive gestion collective dont l’impact sur le marché des droits audiovisuels n’a pas été mesuré et qui auront pour conséquence de complexifier l’acquisition des droits par les télédiffuseurs et l’accès du public aux œuvres alors que les commissaires Barnier et Kroes ne cessent de plaider en faveur de la fluidité des droits et de modes de gestion simplifiés. Ou encore de l’absence de respect par la DG Commerce des principes de la Convention UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles lors des négociations des protocoles de coopération culturelle (PCC) alors que l’objectif assigné à ces derniers par la DG EAC (en charge de la Culture) était précisément celui de répandre les valeurs de ce traité international, etc.

Bref, la liste est longue et révélatrice du peu de place accordée aux politiques en faveur de la culture, de la création et de la diversité culturelle par l’Union européenne. Mais, ces contradictions et ces oublis n’en sont pas réellement : il s’agit souvent d’une véritable ligne politique et d’une idéologie très libérale ! Erigées en objectif ultime, plutôt qu’en outils, les politiques de concurrence et du grand marché européen conduisent à des effets destructeurs, notamment dans des secteurs culturels où la régulation et l’intervention publique sont souvent les gages d’un soutien actif à la diversité culturelle.

Ne nous y trompons pas : ce ne sont pas ces outils nécessaires qui sont à remettre en cause mais la façon dont ils sont employés. De même, ce n’est pas l’Union européenne qui est décriée et parfois rejetée par les opinions publiques des 27 mais la manière dont elle est dirigée. Une approche plus pragmatique et  humaine constitue peut-être un luxe pour la Commission, mais un luxe qui relève pourtant d’une nécessité fondamentale. Une véritable Europe de la Culture devrait faire, à ce titre, partie des priorités.

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