Rapport du comité des sages : des solutions alternatives à la modification de la Convention de Berne?

15 février 2011 par - Vue(s) d'Europe

Le comité des sages sur la mise en ligne du patrimoine culturel européen mandaté par la Commission européenne a rendu, le 10 janvier dernier, sa copie aux commissaires Vassiliou et Kroes, respectivement en charge de la Culture et de l’Agenda numérique.

Mme Niggemann, M. De Decker et M. Levy, posent, dans ce rapport d’une trentaine de pages, des principes tels que la responsabilité principale des Etats membres dans le financement de la numérisation des œuvres et fixent des cadres pour les partenariats publics privés ou la future législation sur les œuvres orphelines. Ils lancent par ailleurs des pistes parfois étonnantes sur lesquelles il convient de s’attarder un peu.

Ainsi, en est-il de la proposition d’enregistrement obligatoire des œuvres, conditionnant l’exercice des droits d’auteurs, mentionnée par le comité des sages comme une solution pour permettre d’éradiquer à l’avenir le problème des œuvres orphelines :

Preventing orphan works in the future is a main concern. In order to avoid orphan works in the future in an environment where creative production is exploding online (e.g. user generated content) without a clear indication of how to contact the creator, some form of registration should be considered as a precondition for a full exercise of rights.

The Comité realises that this would require a change in the Berne Convention and related instruments. Its members consider that a discussion on “refreshing” the Convention should be taken up in the World Intellectual Property Organisation, and promoted by the European Commission. (non mis en gras dans le rapport)

Une telle disposition présenterait l’avantage d’être suffisamment contraignante pour permettre la création effective d’une base de données relative aux créateurs des œuvres en question.

Cependant, on peut se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle:

-d’une part, la suppression de cette disposition de la Convention de Berne est-elle sans conséquence pour notre système de protection des auteurs?

L’article 5.2 de la Convention de Berne  interdisant de conditionner l’exercice du droit d’auteur à l’exigence de formalité est fondé sur l’idée que l’œuvre est protégée du simple fait de sa création. Remettre en cause ce principe ne reviendrait-il pas à supprimer un des éléments essentiels de notre système de droit d’auteur, tout comme pourraient l’être par exemple certains attributs du droit moral? Est-il nécessaire de modifier la Convention de Berne pour créer un répertoire des droits sur les œuvres ?

-d’autre part, n’existe-il pas d’autres moyens tout aussi voire plus efficaces pour assurer la même finalité à savoir la conservation de données fiables sur les ayants-droits?
En effet, on peut s’interroger sur l’intérêt d’enregistrer des données relatives à l’auteur avant la première exploitation de l’œuvre si une telle base ne fait pas l’objet pas la suite d’une mise à jour des informations relatives aux ayants droits. Les œuvres comportant des droits orphelins sont souvent des œuvres anciennes pour lesquelles on a perdu trace des ayants-droits du fait de certains changements (héritage, rachat ou cessation d’activités d’une société de production, etc.).

Une position intermédiaire pourrait donc être de trouver un mécanisme d’enregistrement des œuvres équilibré réunissant différents critères : suffisamment contraignant pour permettre un enregistrement effectif et imposant une mise à jour des données sur les ayants-droits mais sans remettre en cause pour autant les fondements du droit d’auteur.

Le système français en vigueur dans le domaine du cinéma (dépôt légal obligatoire sous peine d’amende de 75000 euros + immatriculation des œuvres au registre public du cinéma et de l’audiovisuel assortie d’une obligation de publication de tous les actes modifiant la chaîne des droits relatifs à ces œuvres) pourrait constituer une piste.

A suivre…

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